Église Sainte-Marguerite-de-Blairfindie, 1450, chemin du Clocher, L’Acadie, 1800-1801 https://calypso.bib.umontreal.ca /digital/collection/_diame/id/8697/ Photographie : Pierre-Richard Bisson Collection Images d’aménagement © Direction des bibliothèques, Université de Montréal.
Des tableaux dignes de nos grands musées dans l’église de L’Acadie
Dans l’église Sainte-Marguerite-de-Blairfindie (L’Acadie), se trouvent deux tableaux attribués au peinture Louis Dulongpré (1759-1843) datant de vers 1802¹, soit Marie au tombeau et Saint René. Ces œuvres qui comptent parmi les plus anciennes et les plus fameuses œuvres que recèle le temple quittaient en 2021 le décor de Blairfindie, afin de subir en atelier une importante cure de rajeunissement. Ce n’est qu’en 2023 que ces tableaux qui ornent les retables latéraux de l’église de L’Acadie depuis plus de 220 ans, était enfin de retour à L’Acadie. Chapeauté par l’historienne de l’art Marilou Desnoyers, ce vaste projet constituait un premier effort de restauration pour Les Amis de l’église patrimoniale de L’Acadie, un organisme qui œuvre depuis 2015 à la protection ainsi qu’à la mise en valeur de l’ensemble patrimonial de L’Acadie.
Louis Dulongpré
Louis Dulongpré, un officier de milice d’origine française venu combattre aux côtés des colons américains durant la guerre d’Indépendance, se fixe au Canada vers 1784². Après une année passée à Baltimore (Maryland) en 1793, à perfectionner l’art du portrait, Dulongpré revient au pays et débute une impressionnante production³. Peintre prolifique, l’un des plus réputés de son temps, la notice nécrologique de Dulongpré publiée dans La Minerve le 8 mai 1843 laisse entendre qu’il aurait réalisé plus de 4200 portraits au cours de sa carrière, dont ceux de Joseph Papineau (père de Louis-Joseph) et de Jean Dessaulles, époux de Rosalie Papineau⁴. Artiste multidisciplinaire, Dulongpré est non seulement portraitiste, peintre de tableaux religieux, caricaturiste, pastelliste, miniaturiste, mais également musicien, professeur et régisseur de théâtre. Il collabore d’ailleurs au Théâtre de société à Montréal, une troupe connue avant son incorporation professionnelle sous l’appellation des Jeunes Messieurs Canadiens⁵.
Attributions
Plusieurs se targuent de posséder un Dulongpré, toutefois beaucoup d’œuvres seront faussement attribuées à celui qui signait rarement ses réalisations, mais qui demeure cependant considéré comme l’un des portraitistes les plus féconds de l’histoire du Québec⁶. Peu de temps après l’inauguration de l’église de L’Acadie, Louis Dulongpré réalise le premier tableau du retable du maître-autel. Cette œuvre, aujourd’hui disparue, peut être impartie avec certitude au fameux peintre, puisqu’un paiement de 800 livres lui a été remis en 1802, comme en témoignent les registres paroissiaux⁷. Dans son Histoire de L’Acadie (1908), l’abbé Stanislas-Albert Moreau mentionne que ce tableau patronymique ainsi que les tableaux des retables latéraux auraient été offerts à la fabrique par des amis de la paroisse⁸. Une proposition qui sera notamment appuyée en 1949 par nul autre que l’historien de l’art Gérard Morisset⁹.
Église Sainte-Marguerite-de-Blairfindie, 1450, chemin du Clocher, L’Acadie, 1800-1801
https://calypso.bib.umontreal.ca/digital/collection/_diame/id/8717/
Photographie : Pierre-Richard Bisson
Collection Images d’aménagement © Direction des bibliothèques, Université de Montréal.
Jacques Clément Herse
Notons qu’un tableau représentant le deuxième curé de L’Acadie, René-Paschal Lanctôt (1755-1816), et qui est aujourd’hui conservé dans le presbytère jouxtant l’église, serait aussi du peintre Dulongpré. Ces quatre commandes apparaissent d’ailleurs liées à la présence de Jacques-Clément Herse à L’Acadie. Ce proche de Dulongpré, qui collabore également au Théâtre de société¹⁰, était en effet venu s’établir dans la paroisse aux environs de 1790¹¹. À noter que sa demeure est toujours sise au 1362, chemin du Clocher. Jacques-Clément Herse serait donc fort probablement l’un de ces « amis de la paroisse », véritable intermédiaire entre la fabrique de L’Acadie et le peintre Louis Dulongpré, dans ces différentes acquisitions.
Marie au tombeau
Dans la chapelle du côté de l’épître (à droite pour l’assistance), dédiée à Notre-Dame de Pitié, on trouve le tableau intitulé Marie au tombeau¹². Cette œuvre nous montre le moment où la Vierge Marie et saint Jean, éplorés, se recueillent près du tombeau du Christ¹³. Dans la nuit du 7 au 8 septembre 1846, la foudre frappe l’église et pénètre par la noue de la chapelle où se trouve ce tableau. L’abbé Moreau raconte que le feu s’est miraculeusement éteint, sans occasionner trop de dégâts, abîmant toutefois au passage cette toile qui sera maladroitement retouchée¹⁴.
Saint René
Du côté de l’évangile (à gauche pour l’assistance), on retrouve dans la chapelle dédiée à saint René, une toile représentant l’évêque saint René, accompagné de saint Maurille, bénissant un enfant¹⁵. Le choix de ce sujet s’explique par le fait que l’on souhaite alors rendre hommage au curé, René-Paschal Lanctôt, considéré par Pierre Brault, historien de L’Acadie, comme le véritable bâtisseur de la paroisse. L’encadrement de cette paire de tableaux est similaire. Il est composé à la fois d’une large torsade, d’une série de perles de couleur crème et d’une moulure recouverte de feuilles d’or véritable qui arbore un motif rappelant celui du rai-de-cœur. Le tout est ponctué de quelques coquilles dorées. D’ailleurs, certaines de ces appliquent de bois sculpté se détachent, laissant entrevoir la coloration noire originale du cadre.
Crédit photographique : Françoise Dancause, 2023. Saint René après sa restauration, 1802, huile sur toile, 230 x 160 cm.
Restauration
Avec la restauration de ces tableaux et de leurs encadrements on souhaite consolider leur état matériel. Il n’en demeure pas moins que ce type d’intervention reste un savant équilibre entre la lisibilité de l’œuvre et le respect des intentions de l’artiste. Ce premier effort de revitalisation, par Les Amis de l’église patrimoniale de L’Acadie, est rendu possible grâce à une aide financière du Conseil du patrimoine religieux du Québec. Notons toutefois que ce projet n’aurait jamais pu se réaliser sans l’important don de Monsieur Germain Godin. Ce généreux mécène, qui a toujours œuvré à la préservation du patrimoine de L’Acadie, apporte aujourd’hui une contribution essentielle, un véritable legs à sa communauté, qui assurera une pérennité à ces œuvres d’exception.
Texte rédigé par l’historienne Marilou Desnoyers. Détentrice d’un baccalauréat, d’une maîtrise ainsi que d’études au niveau doctoral en Histoire de l’art, Mme Desnoyers signe plusieurs ouvrages à caractère historique, dont L’église Sainte-Marguerite-de-Blairfindie. Lieu de mémoires (2016), Regard sur 350 ans d’histoire : Saint-Jean-sur-Richelieu (2016), Le Haut-Richelieu : des trésors d’eau, de terres et de feu (2017) ainsi que la Collection des rallyes historiques qui compte à ce jour cinq plaquettes. Dans le cadre de la série d’articles Les carnets d’histoire, elle contribue à la mise en valeur du patrimoine bâti de la région en soulignant l’importance de ses édifices emblématiques.
Références:
¹ 1 Stanislas-Albert Moreau, Histoire de L’Acadie, province de Québec, Montréal, s.é., 1908, p.59. ² Jules Bazin, « Louis Dulongpré », Dictionnaire biographique du Canada [en ligne], fwww.biographi.ca/fr/bio/dulongpre_louis_7F.html. [Site consulté le 27 mars 2025]. ³ David Karel, Dictionnaire des artistes de langue française en Amérique de nord : peintres, sculpteurs, dessinateurs, graveurs, photographes et orfèvres, Québec, Musée du Québec, Sainte-Foy, Presse de l’Université Laval, Québec, 1992, p.262-263. ⁴ « Nécrologie. Louis Dulongpré écuyer », dans La Minerve, lundi 8 mai 1843, vol. XII, no 74, p.2. ⁵ André-Gilles Bourassa, « Un fou dans une poche! : du théâtre français au début du régime anglais », Capaux-Diamants : la revue d’histoire du Québec, no 35, 1993, p.26-30. ⁶ 6 Op.cit., Karel. ⁷ 7 Livres de comptes de la fabrique Sainte-Marguerite-de-Blairfindie (L’Acadie), « 1802- Mr Dulongprés – pour le Tableau Ste Marguerite – 800 livres ». ⁸ Op.cit., Moreau. ⁹ Gérard Morisset, » Un chef-d’œuvre d’architecture religieuse, l’église de L’Acadie « , La Patrie, journal du dimanche, 20 novembre 1949, p. 26. ¹⁰ Op.cit., Bazin. ¹¹ Pierre Brault, Histoire de L’Acadie du Haut-Richelieu, Saint-Jean-sur-Richelieu, Éditions Mille Roches, 1982, p.261. ¹² Livres de comptes de la fabrique Sainte-Marguerite-de-Blairfindie, « 27 mai 1884- visite pastorale de l’évêque Édouard-Charles Fabre – […] Nous dédions l’autel qui est du côté de l’Epitre a ste dame de la Pitié, celui qui est sur le côté de l’Évangile St René & celui de la sacristie à St Joseph. » ¹³ Paul-Louis Martin et Jean Lavoie (sous la dir.), Les chemins de la mémoire : biens mobiliers du Québec, Tome III, préparé par la Commission des biens culturel du Québec, Publication du Québec, Québec, 1999, p.35. ¹⁴ Op.cit., Moreau, p. 60. ¹⁵ Ibid., p.59.
Le Musée du Haut-Richelieu tient à remercier la MRC du Haut-Richelieu ainsi que le gouvernement du Québec pour leur soutien dans la parution de cet article.